vendredi 2 mai 2025

L’univers observable et ces limites


Au-delà des frontières de l’univers : que trouvons-nous ?





1. Les limites de l’univers observable (perspective scientifique)

Représentation artistique (échelle logarithmique) de l’univers observable, du Système solaire (centre) aux étoiles, galaxies lointaines, jusqu’au rayonnement du fond diffus cosmologique en périphérie. Il n’existe pas de « mur » matériel à la frontière de cette sphère observable : simplement, au-delà, la lumière n’a pas encore eu le temps de nous parvenir. L’univers observable apparaît ainsi comme une bulle centrée sur l’observateur, contenant tout ce que nous pouvons détecter à ce jour.

L’univers observable désigne la région de l’Univers que nous pouvons observer, limitée par la vitesse de la lumière et l’âge du cosmos. En effet, la lumière des objets lointains met un temps fini à nous parvenir, et comme l’Univers a un âge d’environ 13,8 milliards d’années, il existe une distance maximale d’où la lumière a pu nous atteindre depuis le Big Bang. Cet horizon forme une sphère autour de nous. Comme le résume l’encyclopédie de l’Univers : « tout ce qui est situé au-delà de l’horizon cosmologique ne peut être observé ni influencer ce qui peut être observé ». Autrement dit, nous ne pouvons recevoir aucune information provenant de plus loin que cet horizon cosmologique – c’est une limite pratique à nos observations, mais non une frontière matérielle.

Quelle est la taille de cet univers observable ? Intuitivement, on pourrait penser qu’il s’étend sur ~13,8 milliards d’années-lumière dans chaque direction (la distance que la lumière a pu parcourir en 13,8 milliards d’années). Cependant, l’Univers s’étant dilaté au cours du temps, les régions d’où provient la première lumière observable sont aujourd’hui bien plus lointaines. On estime que le rayon actuel de l’univers observable est d’environ 46,5 milliards d’années-lumière, soit un diamètre d’environ 93 milliards d’années-lumière. En kilomètres, cela correspond à ~8,8×10^23 km – une échelle vertigineuse. Au-delà de cette distance, les galaxies existent peut-être bel et bien, mais leur lumière n’a pas encore pu nous atteindre en 13,8 milliards d’années (et ne nous parviendra peut-être jamais en raison de l’expansion accélérée).

Il est crucial de comprendre que l’univers observable n’est pas l’Univers entier, mais seulement la portion que nous pouvons voir depuis notre point de vue. Il ne s’agit pas d’une coquille fixe : à chaque instant, l’horizon cosmologique recule (d’environ une année-lumière par an) et englobe de nouveaux objets auparavant inaccessibles. Par exemple, les tout premiers photons émis 380 000 ans après le Big Bang forment aujourd’hui le fond diffus cosmologique (rayonnement micro-ondes qui baigne tout le ciel). Ce fond constitue la « surface de dernière diffusion » qui marque la limite de ce que nous pouvons actuellement observer – on ne peut voir au-delà, car l’Univers était opaque avant cette époque. Mais avec le temps, d’autres signaux (comme des neutrinos fossiles ou des ondes gravitationnelles primordiales) pourraient, espèrent les cosmologues, nous donner un aperçu encore plus proche du Big Bang, repoussant légèrement la frontière observable.

L’univers observable a-t-il une forme ou un bord ? À grande échelle, les observations (galaxies, fond cosmologique) indiquent que l’Univers est homogène et isotrope (même répartition en toutes directions). Il ne semble pas y avoir de “bord” dans l’espace observable : si l’on voyageait en ligne droite dans l’espace, on ne rencontrerait pas de barrière terminant l’Univers. Si l’Univers global est infini, il n’a évidemment pas de frontière spatiale. S’il est fini, il serait courbé sur lui-même (à la manière de la surface d’une sphère en 3D) ce qui signifie qu’il n’a pas de bord non plus : on pourrait en faire le tour. Dans les deux cas, notre univers observable est une portion de l’Univers sans qu’une « paroi » sépare intrinsèquement l’observable du reste – la limite est liée à nos moyens d’observation, pas à un mur physique.

2. L’Univers total : au-delà de l’horizon observable

Que peut-on dire de l’Univers dans son ensemble, au-delà de ce que l’on voit ? La cosmologie moderne, via des mesures de la courbure de l’espace et de la densité de matière/énergie, tente d’estimer la taille et la géométrie globales de l’Univers. D’après les données les plus récentes (sondes du fond cosmologique WMAP et Planck), l’espace est quasi plat à grande échelle, avec une marge d’erreur d’environ 0,4%. Une telle platitude géométrique suggère fortement que l’Univers s’étend bien au-delà de l’horizon observable, potentiellement à l’infini. En effet, un univers courbé positivement (fermé sur lui-même) aurait une courbure détectable si sa taille était proche de notre horizon ; le fait que nous ne décelions aucune courbure à ~0,4% près implique que, s’il est fermé, son rayon de courbure est au moins 250 fois plus grand que le rayon de l’univers observable. En chiffres, des chercheurs de l’Université d’Oxford ont ainsi estimé que l’Univers devrait mesurer au minimum ~7 000 milliards d’années-lumière de diamètre – bien au-delà des ~93 milliards d’a.l. observables – pour que sa courbure passe inaperçue. En pratique, cela signifie que l’Univers total est beaucoup plus vaste que ce que nous en voyons (peut-être infiniment plus vaste). Comme le formule la NASA : « Cela suggère que l’Univers est infini dans son étendue ; toutefois, comme l’Univers a un âge fini, nous ne pouvons en observer qu’un volume fini… tout ce que l’on peut conclure, c’est qu’il est bien plus grand que le volume que nous pouvons observer directement ».

Univers infini ou fini ? Les cosmologistes envisagent classiquement trois géométries : un Univers fermé (courbure positive, analogue à une sphère 3D), un Univers ouvert (courbure négative, en forme de selle) ou plat. Si l’Univers est fermé, il est fini en volume (tout en n’ayant pas de bord : en voyageant assez loin on reviendrait à son point de départ, comme sur Terre). Dans les deux autres cas (univers plat ou ouvert), l’Univers est infini – il s’étend sans limite dans l’espace. D’après les mesures mentionnées plus haut, la solution plate/infinie a la faveur du modèle standard. Toutefois, notons qu’un Univers très vaste mais fermé n’est pas exclu à 100% : il pourrait être fermé sur lui-même à une échelle bien plus grande que l’horizon observable, nous apparaissant localement plat (comme la surface de la Terre semble plane à l’échelle d’une petite région). Des chercheurs ont même cherché des motifs répétitifs dans le fond cosmologique qui trahiraient un espace fermé se bouclant sur lui-même, sans succès concluant jusqu’à présent.

L’Univers a-t-il une fin dans le temps ? Selon le modèle cosmologique ΛCDM, l’Univers est en expansion depuis 13,8 milliards d’années et cette expansion s’est récemment accélérée sous l’effet de l’énergie noire (constante cosmologique). Les observations de supernovæ lointaines et du fond cosmique en ont apporté la preuve, indiquant que la densité d’énergie de l’Univers est inférieure à la densité critique de recollapse. Cela implique que, sauf surprise, l’expansion continuera indéfiniment dans le futur : l’Univers ne s’effondrera pas en un « Big Crunch », mais se refroidira et s’étiolera graduellement dans un Big Freeze (grand gel). En effet, « si l’énergie noire joue un rôle significatif, alors selon toute vraisemblance l’Univers continuera à s’étendre pour toujours ». Les galaxies éloignées s’éloigneront de plus en plus vite, jusqu’à sortir de notre horizon visible, les étoiles finiront par s’éteindre faute de carburant, etc. Ce scénario de fin « ouverte » est aujourd’hui le consensus. Notons cependant que des recherches sont en cours pour vérifier si l’énergie noire est bel et bien constante : s’il s’avérait qu’elle s’atténue avec le temps, l’expansion pourrait ralentir et éventuellement s’inverser très loin dans le futur (menant à un Big Crunch), mais rien n’indique cela à ce jour.

Des modèles d’univers cycliques : Certaines théories alternatives proposent que l’Univers n’ait pas de début ni de fin, mais passe par des cycles successifs d’expansion et de contraction. Par exemple, un univers fermé et suffisamment massif pourrait d’abord se dilater (Big Bang), puis ralentir et se recontracter en un Big Crunch, avant de rebondir en un nouveau Big Bang, et ainsi de suite. Cette idée d’un « Big Bounce » perpétuel a connu diverses incarnations en cosmologie. Récemment, les physiciens Paul Steinhardt et Neil Turok ont proposé un modèle branaire où notre Univers est un membrane (brane) qui collisionne périodiquement avec une autre brane parallèle, chaque collision allumant un nouveau Big Bang – on parle de scénario ekpyrotique. Le mathématicien Roger Penrose a, de son côté, imaginé la cosmologie cyclique conforme (CCC) : dans sa vision, l’expansion accélérée de l’Univers va lisser et “oublier” toute structure à l’infini du futur, au point que l’état final d’un univers en expansion éternelle devient mathématiquement identique à l’état initial d’un nouveau Big Bang. Ainsi, l’« éon » suivant peut commencer sur les cendres du précédent, dans un cycle infini d’univers sans véritable commencement ni fin. Penrose affirme même avoir identifié des traces de cet univers antérieur : il a pointé l’existence de cercles inhabituels dans le fond diffus cosmologique – les « points de Hawking », potentiellement produits par l’évaporation de trous noirs d’un univers précédent, qui auraient traversé le Big Bang suivant. Ces résultats restent controversés, mais illustrent que la question des cycles va au-delà de la simple théorie et pourrait, qui sait, être testée un jour par l’observation.

Cependant, les modèles cycliques se heurtent à un problème majeur : celui de l’entropie croissante. D’après le second principe de la thermodynamique, l’entropie (le désordre) de l’Univers ne peut qu’augmenter avec le temps. Or, si l’Univers rebondit et entame un nouveau cycle, il hérite de l’entropie accumulée précédemment. « Dans un modèle cyclique simple, l’entropie de chaque univers doit être au moins un peu plus grande que celle de son univers parent… Donc si les cycles se prolongent à l’infini vers le passé, l’entropie actuelle serait infinie, ce qui n’est pas le cas ». Autrement dit, en remontant une succession éternelle de Big Bang, on aboutirait à un paradoxe (un univers de plus en plus chaotique et “vieux”). Les partisans de ces modèles doivent donc trouver un mécanisme pour réinitialiser ou diluer l’entropie à chaque cycle. La CCC de Penrose contourne le problème en postulant qu’à la fin de chaque éon, toute la matière (et donc l’entropie liée aux structures matérielles) finit par s’évanouir – par exemple, les trous noirs s’évaporent – de sorte que l’univers en expansion extrême devient quasi vide et peut être “reconçu” comme un état initial très ordonné pour un nouvel éon. D’autres variantes en physique quantique (comme certains modèles de « Big Bounce » issus de la gravitation quantique à boucles) suggèrent qu’un mécanisme microscopique pourrait arrêter l’effondrement du Big Crunch avant la singularité et inverser l’expansion. Pour l’instant, ces idées restent spéculatives et difficiles à tester, mais elles montrent que la question de la frontière temporelle (un début ou une fin du cosmos) est encore débattue.

3. Au-delà de notre Univers : l’hypothèse du multivers

Si l’on envisage maintenant ce qui pourrait exister en dehors de notre Univers tel que nous le connaissons, on entre dans le domaine des multivers. Le terme multivers désigne un ensemble de plusieurs univers coexistant, dont le nôtre ne serait qu’un élément parmi d’autres. Ces idées découlent de diverses théories en cosmologie et en physique fondamentale, et proposent des réponses possibles à la question « que trouvons-nous au-delà des limites de notre univers ? ». Voici les principaux scénarios de multivers envisagés :

  • Multivers cosmologique (inflationnaire) – Selon la théorie de l’inflation cosmique, notre Big Bang ne serait pas un événement unique. Juste après le Big Bang, l’Univers aurait connu une expansion exponentielle (inflation) en une fraction de seconde. De nombreuses versions modernes de cette théorie (notamment l’inflation éternelle proposée par Andreï Linde) prédisent que cette expansion ultra-rapide se produit encore et encore, dans différentes régions de l’espace, engendrant une constellation d’« univers-bulles » disjoints. Notre Univers observable serait l’intérieur d’une de ces bulles où l’inflation s’est arrêtée il y a 13,8 milliards d’années, la remplissant de matière et de rayonnement (notre Big Bang). Mais ailleurs, hors de notre bulle, l’espace continuerait à enfler et à faire naître d’autres bulles. Chaque bulle représente un univers fermé sur lui-même (pas de contact avec les autres bulles une fois formées, car elles s’éloignent les unes des autres plus vite que la lumière dans l’espace en inflation). L’ensemble forme un multivers gonflé en permanence par l’espace en expansion. Ces autres univers-bulles pourraient avoir des propriétés différentes du nôtre – par exemple, des constantes physiques ou un contenu matière/énergie distinct. « Ces bulles n’auraient pas toutes les mêmes propriétés que la nôtre : elles pourraient être des espaces où la physique agit différemment… certaines semblables au nôtre, mais toutes existent au-delà de ce que nous pouvons observer ». En effet, si une bulle n’a jamais été en contact causal avec la nôtre, elle est, par définition, invisible pour nous. Notre univers ainsi « empaqueté » dans sa bulle n’aurait pas de frontière matérielle visible, mais il aurait une sorte de frontière théorique : les limites de notre bulle d’inflation. Notons qu’il a été proposé de rechercher dans le fond diffus cosmologique d’éventuelles traces de collisions de bulles (si une autre bulle avait heurté la nôtre à un moment donné), mais aucune preuve convaincante n’a été trouvée jusqu’à présent. Le multivers inflationnaire (parfois appelé multivers de niveau 2 dans la classification de Max Tegmark) est l’un des plus discutés car il découle de l’extension naturelle d’une théorie validée (l’inflation) – mais il est extrêmement difficile, voire impossible, d’y accéder expérimentalement au-delà de ces indices indirects.

  • Multivers quantique (mondes multiples) – Une autre idée du multivers provient de la mécanique quantique et de l’interprétation des “mondes multiples” formulée par Hugh Everett en 1957. Dans cette interprétation, chaque fois qu’un événement quantique aléatoire se produit (par exemple la désintégration d’un atome radioactif, ou la mesure de l’état d’une particule), toutes les issues possibles se réalisent – chacune dans un univers parallèle différent. Autrement dit, la réalité “se ramifie” en de multiples branches à chaque événement quantique indéterminé. Ainsi existerait une myriade d’univers parallèles identiques au nôtre jusqu’à un certain point, puis divergent selon des déroulements différents des événements. Il pourrait y exister d’autres versions de vous-même, vivant des vies où vous avez pris d’autres décisions, par exemple. Cependant, ces univers multiples cohabitent dans un espace de dimensions supérieures ou dans un état quantique global que nous ne percevons pas : « Ils se chevauchent tous dans des dimensions auxquelles nous ne pouvons pas accéder ». Nous n’avons conscience que de la branche (l’univers) où nous existons. Techniquement, ces mondes parallèles ne sont pas ailleurs dans l’espace, mais plutôt superposés au nôtre – on ne peut donc pas y voyager en traversant une frontière spatiale, car la séparation est de nature quantique. Le multivers quantique (appelé niveau 3 chez Tegmark) pousse ainsi la notion de “réalité alternative” très loin, mais certains physiciens soutiennent qu’il s’agit davantage d’une interprétation mathématique des équations quantiques que d’une multitude de mondes physiquement réels. A ce jour, aucune expérience n’a pu confirmer ou infirmer directement cette vision (toutes les prédictions mesurables de la mécanique quantique restent les mêmes qu’on adopte ou non l’interprétation d’Everett).

  • Autres scénarios de multivers – D’autres hypothèses encore plus spéculatives existent. La théorie des cordes par exemple suggère que notre Univers pourrait n’être qu’une brane (membrane à 3 dimensions spatiales) flottant dans un espace à dimensions supplémentaires. D’autres branes parallèles pourraient exister, constituant autant d’univers distincts. Parfois, ces branes pourraient interagir – par exemple entrer en collision, ce qui a été proposé comme cause possible du Big Bang (cf. scénario cyclique ekpyrotique de Steinhardt et Turok cité plus haut). Ces univers parallèles “de brane” ne seraient pas accessibles directement car nous serions confinés sur notre brane (toute notre matière y est liée), hormis peut-être la gravité qui, elle, pourrait se propager entre branes. Une autre idée, poussée à l’extrême par le cosmologiste Max Tegmark, est le multivers « ultime » (niveau 4), où toutes les structures mathématiques possibles correspondraient chacune à un univers. Dans cette optique, tout univers concevable ayant des lois de la physique cohérentes existe quelque part – une vision limite où la frontière entre physique et métaphysique s’estompe. Enfin, on peut mentionner l’hypothèse plus philosophique ou science-fictionnelle de l’« univers simulé » (nous vivrions dans une simulation informatique, et le “hors-simulation” serait un autre niveau de réalité), mais cela sort du cadre cosmologique traditionnel.

Dans tous ces scénarios de multivers, la notion de « frontière de notre univers » prend un sens différent. Si le multivers existe, notre « Univers » devient soit une région parmi d’autres dans un espace plus vaste, soit une branche parmi d’autres dans une réalité plus haute dimensionnellement. Par exemple, dans le multivers inflationnaire, on peut imaginer une frontière délimitant notre bulle cosmique – mais cette frontière s’éloigne continuellement à cause de l’expansion, et il serait impossible de la franchir car l’espace entre les bulles s’étire plus vite que n’importe quel vaisseau ne pourrait voyager. Dans le multivers quantique, la « frontière » entre deux univers parallèles est abstraite : c’est simplement l’impossibilité d’interagir avec une autre branche de la fonction d’onde quantique. En pratique, chaque univers du multivers (quel qu’il soit) est hermétique aux autres, ce qui fait que, du point de vue de ses habitants, il est tout aussi complet et autosuffisant qu’on pouvait le penser initialement. Le multivers n’élargit donc la frontière de notre univers qu’en théorie, pas dans les faits observables – au moins pour l’instant.

4. Perspectives philosophiques : que peut-on savoir de « l’au-delà » cosmique ?

La question des limites de l’Univers et de ce qui pourrait exister au-delà soulève naturellement des considérations philosophiques. Depuis des siècles, savants et penseurs se heurtent aux mystères d’un cosmos possiblement infini. « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », confessait ainsi Blaise Pascal au XVII^e siècle, exprimant à la fois l’émerveillement et l’angoisse devant l’immensité cosmique révélée par la révolution copernicienne. Cette phrase illustre un sentiment humain face à l’illimité : un mélange de vertige et d’humilité, face à un univers sans bornes perceptibles.

D’un point de vue épistémologique, notre situation est délicate : avons-nous les moyens de connaître ce qui dépasse notre horizon observable ? Par définition, ce qui se situe au-delà de notre champ d’observation ne peut être détecté directement. Les autres régions de l’Univers (si elles existent) ou d’hypothétiques autres univers ne nous envoient aucun signal accessible. Cela place ces questions aux frontières de la science empirique. Comme le souligne le physicien Andreï Linde, notre compréhension de la réalité est forcément incomplète et « ces univers [multiples] seraient séparés du nôtre, inatteignables et indétectables par toute mesure directe ». Dès lors, certains experts s’interrogent : la recherche du multivers ou d’un “au-delà” de l’Univers peut-elle jamais être véritablement scientifique ? Autrement dit, s’agit-il encore de physique, où l’on peut tester des hypothèses, ou de métaphysique pure ?

Plusieurs philosophes des sciences ont débattu de ce point. Le cosmologiste George Ellis, par exemple, bien que co-auteur de travaux sur l’inflation avec Stephen Hawking, est un critique du concept de multivers invérifiable. « Je ne crois pas que l’existence de ces autres univers ait été prouvée – ni qu’elle puisse jamais l’être... Les partisans du multivers, tout en élargissant considérablement notre conception de la réalité physique, redéfinissent implicitement ce qu’on entend par “science” » écrit-il. Cette remarque pointe le risque de déplacer la frontière de la science : accepter des théories invérifiables revient à changer la définition même de la démarche scientifique basée sur l’observation et l’expérimentation. D’autres, au contraire, estiment que le multivers peut laisser entrevoir des signatures indirectes (par ex. une valeur atypique de certaines constantes fondamentales pourrait s’expliquer par une sélection anthropique parmi de nombreux univers), et que même sans accès direct, une théorie peut être considérée scientifiquement valide si elle est élégante et cohérente avec tout ce que l’on observe par ailleurs. Le débat reste ouvert sur la démarcation entre physique et métaphysique dans ce contexte.

Historiquement, la question de la finitude de l’Univers a souvent été considérée comme relevant de la métaphysique. Emmanuel Kant, dans sa Critique de la raison pure (1781), formulait les antinomies cosmologiques : il montra que la thèse “l’Univers a un commencement dans le temps et une limite dans l’espace” et l’antithèse “l’Univers est infini dans le temps et l’espace” sont toutes deux indémontrables par la raison pure, chacune menant à des paradoxes. En fin de compte, concluait Kant, nous ne pouvons par l’expérience ni la logique accéder à la connaissance de l’Univers “en soi”, notamment déterminer s’il est fini ou infini. Ce constat kantien modère notre prétention à comprendre le Tout : il y a des questions qui dépassent peut-être à jamais le domaine du connaissable. À l’époque moderne, cette idée se traduit par l’existence d’horizons – non seulement l’horizon cosmologique dont nous avons parlé, mais aussi des horizons conceptuels. Par exemple, le principe anthropique en cosmologie soutient que si certaines propriétés de l’Univers semblent “ajustées” pour la vie, c’est peut-être parce que de multiples univers existent avec des lois différentes, et que nous observons forcément un de ceux compatibles avec notre présence. Cela n’explique pas pourquoi ces lois existent, mais c’est un argument philosophique pour relativiser la question – cependant, il est non falsifiable si ces autres univers sont inaccessibles.

En fin de compte, la question « Qu’y a-t-il au-delà des frontières de l’Univers ? » navigue entre science et philosophie. Scientifiquement, nous avons des modèles qui étendent le cosmos au-delà de l’observable (univers global potentiellement infini) et même des modèles de multivers englobant notre univers. Ces modèles cherchent à être cohérents avec nos observations et, quand c’est possible, à faire des prédictions testables. Philosophiquement, nous devons admettre que nos outils de connaissance ont des limites. Il existe peut-être un horizon fondamental de connaissabilité – un peu comme un poisson dans son bocal ne peut savoir ce qu’il y a au-delà des parois. Néanmoins, l’histoire des sciences nous enseigne la prudence : ce qui était métaphysique hier (par exemple, les atomes, ou les autres galaxies) peut devenir physique demain grâce à de nouvelles techniques d’observation. Peut-être de futures découvertes (par exemple en gravité quantique ou via des observations cosmologiques inédites) permettront-elles de trancher certaines de ces questions sur le multivers ou la courbure globale. Ou peut-être resteront-elles à jamais spéculatives. En attendant, explorer ces questions stimule notre imagination et nous oblige à repousser les frontières de nos théories. Même si, comme Pascal face à l’infini, cela peut nous effrayer, c’est aussi ainsi que progresse notre compréhension – en confrontant l’inconnu, armés à la fois de notre raison scientifique et de notre humilité philosophique.

Sources : Articles et résultats de missions cosmologiques (NASA/WMAP…), revues scientifiques (Scientific American, Universe Today…), ouvrages de cosmologie et philosophie des sciences (Kant, etc.), et synthèses de référence (Wikipedia, National Geographic…).

mercredi 30 avril 2025

Planète K2-18b et potentiel d'habitabilité



Habitabilité potentielle de K2-18b comparée à la Terre

(File:Exoplanet K2-18 b (Illustration).jpg - Wikimedia Commons) Vue d'artiste de l'exoplanète K2-18b (premier plan, planète bleutée) orbitant sa petite étoile naine rouge K2-18 (en bas à gauche). K2-18b est une exoplanète de type sub-Neptune découverte en 2015, située à environ 120 années-lumière de la Terre dans la constellation du Lion (File:Exoplanet K2-18 b (Illustration).jpg - Wikimedia Commons). D’une masse d’environ 8,6 fois celle de la Terre et d’un rayon ~2,6 fois supérieur, elle orbite une étoile naine rouge K2-18 en 33 jours au sein de la zone habitable de son étoile (K2-18b - Wikipedia). Cette analyse examine en détail les caractéristiques de K2-18b liées à son habitabilité potentielle, en les comparant à celles de la Terre.

Composition de l’atmosphère de K2-18b

L’atmosphère de K2-18b est principalement composée d’hydrogène (H₂), très différente de l’air terrestre (azote et oxygène) (K2-18b - Wikipedia). En 2019, des observations du télescope Hubble ont pour la première fois détecté la présence de vapeur d’eau (H₂O) dans son atmosphère (K2-18b - Wikipedia), suscitant un grand intérêt scientifique. Plus récemment, en 2023, le télescope James Webb (JWST) a identifié des molécules organiques importantes : notamment du méthane (CH₄) et du gaz carbonique (CO₂) en quantités significatives d’environ 1% chacun dans l’atmosphère (K2-18b - Wikipedia). Ces détections confirment que l’atmosphère de K2-18b est riche en composés carbonés, renforçant l’hypothèse d’une planète de type Hycéenne (atmosphère d’hydrogène avec océans d’eau) (Webb Discovers Methane, Carbon Dioxide in Atmosphere of K2-18 b - NASA) (Webb Discovers Methane, Carbon Dioxide in Atmosphere of K2-18 b - NASA). Par ailleurs, l’ammoniac (NH₃), un gaz volatil qui devrait être présent dans une atmosphère riche en hydrogène, est quasiment absent dans les données – un résultat intrigant (K2-18b - Wikipedia). Cette absence d’ammoniac est compatible avec la présence d’un océan d’eau qui absorberait ce composé, suggérant qu’une surface océanique pourrait exister sous l’atmosphère (File:Exoplanet K2-18 b (Illustration).jpg - Wikimedia Commons).

En plus de l’eau, du CO₂ et du CH₄, une molécule encore plus intéressante a été potentiellement détectée dans l’atmosphère : le diméthyl sulfure (DMS) (Webb Discovers Methane, Carbon Dioxide in Atmosphere of K2-18 b - NASA). Sur Terre, le DMS est un gaz essentiellement produit par la vie (par exemple par les phytoplanctons océaniques) et il est considéré comme une possible biosignature. La présence de DMS à des niveaux élevés (des analyses initiales ont suggéré une concentration ~20 fois supérieure à celle de l’atmosphère terrestre) a donc fait sensation (K2-18b - Wikipedia). Cependant, cette détection de DMS reste peu robuste et controversée : elle doit être confirmée par des observations supplémentaires (Webb Discovers Methane, Carbon Dioxide in Atmosphere of K2-18 b - NASA) (Webb Discovers Methane, Carbon Dioxide in Atmosphere of K2-18 b - NASA). D’autres scientifiques soulignent que des processus abiotiques (non biologiques) pourraient produire du DMS ou imiter son signal, et appellent à la prudence avant de conclure à une origine biologique (K2-18b - Wikipedia). En somme, l’atmosphère de K2-18b se distingue par une composition dominée par l’hydrogène avec des traces significatives d’eau et de molécules carbonées (CH₄, CO₂) – un mélange évoquant plutôt Uranus/Neptune que la Terre (K2-18b - Wikipedia) – mais recèle aussi des indices chimiques spéculatifs liés à la vie.

Position dans la zone habitable de l’étoile

K2-18b se trouve dans la zone habitable (ZH) de son étoile hôte, c’est-à-dire à une distance où l’irradiation stellaire permet théoriquement la présence d’eau liquide à la surface d’une planète. Son orbite est à ~0,16 UA (environ 21 millions de km) de la naine rouge K2-18, avec une période de ~33 jours (K2-18b - Wikipedia) (K2-18b - Wikipedia). Malgré cette proximité bien inférieure à la distance Terre-Soleil (1 UA), la planète reçoit en réalité un flux d’énergie comparable à celui que la Terre reçoit du Soleil (K2-18b - Wikipedia). En effet, K2-18 est une étoile beaucoup moins lumineuse que le Soleil, de sorte qu’à 0,16 UA, K2-18b absorbe un éclairement similaire à l’insolation terrestre moyenne (K2-18b - Wikipedia). Les estimations indiquent un flux d’environ 1368 W/m², très proche de la constante solaire reçue par la Terre (K2-18b - Wikipedia). K2-18b serait ainsi positionnée au centre ou légèrement vers le bord intérieur de la zone habitable de son étoile (K2-18b - Wikipedia). Elle pourrait être proche, sans l’atteindre, du seuil d’emballement effet de serre (limite intérieure de la ZH) au niveau de sa réception de rayonnement (K2-18b - Wikipedia). En d’autres termes, la planète reçoit quasiment autant d’énergie que la Terre ; sa position est donc propice en théorie à maintenir de l’eau sous forme liquide, sous réserve que les autres conditions planétaires (atmosphère, albédo, etc.) tempèrent le climat.

Température de surface estimée

La température de K2-18b est difficile à mesurer directement, mais on peut l’estimer à partir de l’énergie reçue de l’étoile et des hypothèses sur son atmosphère. Sans effet de serre, le calcul de l’équilibre radiatif donne une température comprise entre ~250 K et 300 K (soit de -23 °C à +27 °C) pour K2-18b (K2-18b - Wikipedia) – un intervalle qui brasse les conditions terrestres allant de l’eau gelée à une température modérément chaude. Une estimation typique est d’environ 265 K (≈ -8 °C) pour la température d’équilibre globale de K2-18b (K2-18b - Wikipedia). Cependant, la température réelle à la surface (ou à l’interface océan-atmosphère si un océan existe) dépend fortement de l’effet de serre créé par son épaisse atmosphère d’hydrogène. Cette dernière peut piéger la chaleur bien plus efficacement que l’atmosphère terrestre riche en azote/oxygène. Les modèles suggèrent qu’une enveloppe d’hydrogène pourrait induire un fort effet de serre, maintenant des températures relativement élevées même sur la face nocturne si la planète est en rotation synchrone, et potentiellement réchauffer suffisamment la surface pour éviter une glaciation complète (K2-18b - Wikipedia). À l’inverse, la présence de nuages très réfléchissants ou d’une brume épaisse pourrait augmenter l’albédo et donc abaisser la température superficielle. En somme, la température estimée de K2-18b est dans l’ordre de grandeur de celle de la Terre, mais son profil thermique exact reste incertain et dépend de la structure de l’atmosphère : les couches supérieures pourraient être tempérées, tandis qu’en profondeur les températures augmentent possiblement bien au-delà de ce qui est habitable (K2-18b - Wikipedia).

Pression atmosphérique supposée

Étant donné sa taille et sa composition, K2-18b posséderait une pression atmosphérique extrêmement élevée par rapport à la Terre. La planète est enveloppée d’une épaisse couche gazeuse dont la masse peut atteindre jusqu’à ~6,2% de la masse totale de la planète (K2-18b - Wikipedia) (pour comparaison, l’atmosphère terrestre ne représente qu’environ 0,0001 de la masse de la Terre). Une atmosphère aussi massive sous l’effet d’une gravité plus forte (voir section suivante) se traduit par des pressions colossales en profondeur. Si K2-18b possède un océan liquide sous son atmosphère, la pression à la base de l’atmosphère (à la surface de l’océan hypothétique) pourrait se chiffrer en dizaines voire centaines de bars, bien au-delà des ~1 bar au niveau de la mer sur Terre. En effet, sous de telles pressions, l’eau liquide est envisageable, mais au-delà d’environ 218 bars et 374 °C (point critique de l’eau), l’eau entre en phase supercritique, floutant la distinction entre liquide et gaz (K2-18b - Wikipedia).

Il est possible que l’eau sur K2-18b soit supercritique dans les profondeurs, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas de surface océane définie mais un continuum fluide allant de l’atmosphère aux couches internes (K2-18b - Wikipedia). Avant les données de JWST, on pensait d’ailleurs qu’une eau supercritique était le scénario le plus probable, étant donné la forte pression attendue (K2-18b - Wikipedia). Toutefois, si les récentes indications d’un océan se confirment, cela impliquerait que la température et la pression à la base de l’atmosphère restent dans le domaine où l’eau peut exister sous forme liquide stable, malgré la pression énorme. Dans ce cas, on s’attend à ce qu’en dessous de l’océan, la pression continue à augmenter avec la profondeur au point de former une couche de glaces haute-pression (glace VII et suivantes) sous-jacente, au-dessus d’un noyau rocheux central (K2-18b - Wikipedia). En résumé, la pression atmosphérique sur K2-18b serait sans commune mesure avec celle de la Terre : si un humain était transporté à la « surface » de K2-18b, il serait écrasé par une pression possiblement des dizaines/centaines de fois supérieure à celle de notre atmosphère. Cette pression extrême est un facteur crucial limitant l’habitabilité, car elle influence la physico-chimie de l’eau et l’éventuelle biosphère.

Présence potentielle d’eau liquide

La question de l’eau liquide sur K2-18b est centrale pour son habitabilité. Les observations de vapeur d’eau indiquent déjà que de l’eau est bien présente dans le système atmosphérique (K2-18b - Wikipedia). Reste à déterminer si une partie de cette eau peut exister sous forme liquide (un océan, des nuages de pluie, etc.). Compte tenu de la position en zone habitable et de la plage de températures estimées (voir plus haut), il est envisageable qu’un océan global recouvre la planète, dissimulé sous l’atmosphère d’hydrogène – c’est d’ailleurs la définition d’une planète « Hycéenne ». Les résultats du JWST ont renforcé cette idée en montrant l’absence d’ammoniac, ce qui correspond bien au cas d’une atmosphère en contact avec un océan qui absorberait NH₃ (File:Exoplanet K2-18 b (Illustration).jpg - Wikimedia Commons). De plus, l’abondance de méthane et de CO₂ est cohérente avec la possibilité d’un monde océan : ces gaz pourraient provenir d’échanges entre un océan et l’atmosphère, ou de processus biologiques/hydrothermaux dans un océan. Ainsi, plusieurs chercheurs suggèrent que K2-18b pourrait abriter une vaste étendue d’eau liquide sous son atmosphère, potentiellement habitable (K2-18b - Wikipedia).

Cependant, l’existence d’un océan liquide n’est pas confirmée et demeure débattue. Il est possible que les conditions de pression/température empêchent l’eau de se condenser en un océan classique. Si l’atmosphère et l’eau forment un milieu supercritique continu, il n’y aurait pas de surface océane distincte – l’eau serait présente mais sous une forme dense et chaude peu propice à la vie telle que nous la connaissons (K2-18b - Wikipedia). Même dans le cas d’un océan réel, celui-ci pourrait être extrêmement chaud (des centaines de degrés) compte tenu de l’effet de serre et de la pression, et donc potentiellement stérile (on parle d’« océan trop chaud pour être habitable ») (Webb Discovers Methane, Carbon Dioxide in Atmosphere of K2-18 b - NASA). Des études ont également proposé des scénarios alternatifs où ce n’est pas un océan d’eau qui explique les observations, mais par exemple un océan de magma sous une atmosphère épaisse – ce qui pourrait également piéger l’ammoniac sans pour autant offrir un milieu habitable (K2-18b - Wikipedia). Pour l’instant, les données penchent en faveur d’eau liquide quelque part dans le système de K2-18b (éventuellement sous forme de nuages d’eau ou de pluies s’évaporant avant d’atteindre une surface) (K2-18b - Wikipedia), mais la présence d’un véritable océan global reste hypothétique. Si un tel océan existe, il serait sans doute très profond et recouvrir l’entièreté de la planète, surmonté d’une atmosphère humide – un environnement analogue aux lunes glacées aux océans internes (comme Europe ou Encelade) mais ici renversé (océan en surface confiné par une épaisse atmosphère). En somme, K2-18b pourrait abriter de l’eau liquide, condition indispensable à la vie, mais la nature exacte de cette eau (océan stable, couches nuageuses, état supercritique) et son accessibilité à une éventuelle biosphère restent à préciser.

Masse, rayon et gravité comparés à la Terre

K2-18b est nettement plus massive et plus volumineuse que la Terre. Sa masse est estimée à 8,6 ±1,3 fois celle de la Terre (M⊕) (K2-18b - Wikipedia), soit environ 5,2×10^25 kg, et son rayon vaut ~2,6 fois le rayon terrestre (R⊕ ≈ 2,6) (K2-18b - Wikipedia), ce qui correspond à un rayon d’environ 16 000 km (contre ~6370 km pour la Terre). Cette différence de taille et de masse classe K2-18b dans la catégorie des mini-Neptunes ou sub-Neptunes. Sa gravité de surface est estimée à ~12,4 m/s² (K2-18b - Wikipedia), soit environ 1,27 g (1,27 fois la gravité terrestre). Un être humain y pèserait donc plus d’une fois et demie son poids terrestre, rendant le déplacement très difficile. La densité moyenne de K2-18b est d’environ 2,7 g/cm³ (K2-18b - Wikipedia) – intermédiaire entre celle de la Terre (5,5 g/cm³, planète rocheuse) et celle de Neptune (~1,6 g/cm³, géante de glace). Cela indique que K2-18b n’est ni une planète purement tellurique, ni une géante gazeuse sans noyau : elle semble posséder un cœur solide (rocheux) et/ou de la glace, entouré d’une épaisse couche de volatils (eau, hydrogène, hélium) (K2-18b - Wikipedia). En effet, les scientifiques considèrent deux possibilités pour sa structure interne : soit une planète à noyau rocheux portant une enveloppe épaisse de gaz et d’eau (structure type super-Terre océanique), soit une mini-Nepturne à composition Neptunienne (mélange de roches, glaces et gaz à proportions similaires à Uranus/Neptune) (K2-18b - Wikipedia). Dans les deux cas, la gravité plus forte et la masse importante de K2-18b lui ont permis de retenir une atmosphère substantielle, contrairement aux petites planètes qui perdent souvent leurs gaz légers. En comparaison, la Terre a une atmosphère relativement mince sur un noyau rocheux massif, tandis que K2-18b est dominée par son enveloppe gazeuse par rapport à son noyau.

Conditions de l’étoile hôte (type, UV, activité)

L’étoile mère de K2-18b, nommée K2-18, est très différente du Soleil. Il s’agit d’une naine rouge de type M3V d’environ 3 500 K de température de surface (contre 5 778 K pour le Soleil) et d’un rayon de ~0,45 R☉ (K2-18b - Wikipedia). Cette étoile est plus petite, plus froide et moins lumineuse que le Soleil, ce qui explique que sa zone habitable soit beaucoup plus rapprochée. K2-18 est estimée relativement jeune (∼2,4 milliards d’années) et montre une activité stellaire modérée (K2-18b - Wikipedia). Néanmoins, comme beaucoup de naines rouges, elle peut présenter des émissions de rayons X et d’ultraviolet intenses et des sursauts (éruptions stellaires ou flares) périodiques (K2-18b - Wikipedia).

Pour une planète en orbite aussi proche que K2-18b (0,16 UA), l’environnement radiatif est donc assez agressif comparé à celui de la Terre. En effet, K2-18b reçoit un flux de rayons X et UV bien supérieur à ce que la Terre reçoit du Soleil (K2-18b - Wikipedia). Des calculs suggèrent que le rayonnement UV « dur » de K2-18 est suffisant pour chauffer la haute atmosphère de K2-18b et entraîner une évasion d’hydrogène (formant une exosphère étendue autour de la planète). Des observations en transit dans l’ultraviolet (raie Lyman-α) semblent effectivement indiquer la présence d’une telle corona d’hydrogène s’échappant de K2-18b (K2-18b - Wikipedia). Le taux d’échappement estimé est d’environ 350 tonnes d’hydrogène par seconde – a priori énorme, mais en réalité trop faible pour éroder complètement l’atmosphère compte tenu de la masse de la planète sur des milliards d’années (K2-18b - Wikipedia). Ainsi, malgré le bombardement UV, K2-18b a probablement conservé son épaisse atmosphère depuis sa formation.

Toutefois, l’activité de la naine rouge reste un facteur de stress potentiel pour la vie : les éruptions stellaires peuvent produire des bouffées de rayonnement ou de particules chargées susceptibles d’endommager une biosphère de surface ou l’ozone (si la planète en possédait). Sur K2-18b, une éventuelle vie serait probablement abritée sous l’eau ou dans l’atmosphère profonde, où l’intense UV est filtré par l’épaisse couche d’hydrogène et les nuages. À noter que les naines rouges ont une longévité très grande (plusieurs dizaines à centaines de milliards d’années) comparé aux étoiles comme le Soleil, offrant une stabilité à long terme une fois la phase de jeunesse active passée. En résumé, l’étoile K2-18 fournit à la planète une énergie modérée propice à la zone habitable, mais elle s’accompagne d’un rayonnement UV plus violent et d’une activité magnétique plus importante que ce que connaît la Terre (K2-18b - Wikipedia). Ces conditions stellaires pourraient à la fois fournir l’énergie pour des réactions prébiotiques (via le UV) tout en posant des défis pour la protection d’une éventuelle vie.

Potentiel global d’habitabilité pour la vie terrestre

K2-18b représente l’un des mondes extrasolaires les plus intrigants pour la recherche de vie, car il combine plusieurs facteurs favorables (présence d’eau, bonne température, molécule organiques) tout en étant très différent de la Terre. D’un point de vue positif, la planète est bien dans la zone habitable et possède possiblement de l’eau liquide – condition indispensable à la vie telle que nous la connaissons. Son atmosphère épaisse pourrait servir de bouclier contre les radiations cosmiques et maintenir des conditions stables sur d’assez longs intervalles. Des travaux ont montré que des micro-organismes terrestres sont capables de survivre dans des atmosphères riches en hydrogène (K2-18b - Wikipedia), ce qui indique que l’hydrogène n’est pas toxique en soi pour la vie (il peut même servir de source d’énergie à certaines bactéries chimiotrophes). En outre, la présence de méthane et de CO₂ fournit des gaz à effet de serre et des éléments biochimiques de base potentiels, tandis que la possible détection de DMS, si elle se confirmait, pourrait indiquer une activité biologique. Si K2-18b abrite un océan, des environnements analogues aux fonds océaniques terrestres (fumeurs hydrothermaux, où la lumière est absente mais la vie prolifère via la chimiosynthèse) pourraient exister. La zone habitable d’une planète sub-Neptunienne comme K2-18b pourrait se situer non pas en surface, mais soit dans un océan profond, soit dans des couches nuageuses tempérées de l’atmosphère, où la pression et la température ressemblent à celles en surface sur Terre. Des analyses suggèrent que dans l’atmosphère d’hydrogène de K2-18b, il pourrait y avoir des altitudes» où l’eau est liquide et où la température/pression seraient comparables à celles qu’affectionnent les organismes terrestres (K2-18b - Wikipedia).

Malgré ces atouts, K2-18b présente aussi des défis majeurs pour la vie telle que nous la connaissons. D’abord, ce n’est pas une planète à surface solide comme la Terre : il n’y a probablement pas de sol rocheux sous une atmosphère modérée, mais plutôt un océan sous très haute pression ou une gradation fluide continue. La vie aurait donc dû évoluer soit dans l’océan profond (à haute pression, sans lumière, potentiellement pauvre en sources d’énergie classiques), soit dans l’atmosphère (flottant dans les nuages, comme certaines hypothèses pour Vénus ou Jupiter). Sur Terre, les écosystèmes les plus productifs dépendent de la photosynthèse à la surface et de cycles nutritifs impliquant les continents, deux choses qui feraient défaut sur K2-18b. Ensuite, la forte gravité et la pression sur K2-18b pourraient limiter la taille et la complexité des organismes (la flottabilité dans l’eau pourrait compenser en partie en milieu océanique, mais la pression extrême impose des adaptations inconnues). De plus, la chimie même de la vie devrait s’adapter à un milieu dominé par l’hydrogène : par exemple, l’oxygène libre (O₂) serait instable en grande quantité dans une atmosphère H₂, donc une biosphère photosynthétique, si elle existait, ne créerait sans doute pas un oxygène abondant comme sur Terre. Les marqueurs de vie habituels (O₂, ozone, méthane déséquilibré) seraient difficiles à interpréter dans ce contexte (K2-18b - Wikipedia), ce qui complique notre capacité à détecter la vie même si elle était présente. Enfin, l’activité de l’étoile (UV intense, éruptions) pourrait stériliser les zones émergées ou superficielles, limitant la vie à des refuges (océan profond, sous-sol d’éventuelles îles flottantes, etc.).

En conclusion, K2-18b a un potentiel d’habitabilité tout à fait notable dans le cadre des exoplanètes découvertes à ce jour, mais il s’agit d’une habitabilité très différente de celle de la Terre. Si la Terre est une oasis tempérée de surface, K2-18b serait plutôt un monde océanique sous cloche – un environnement exotique où la vie, si elle existe, devrait être marine ou atmosphérique, microscopique et extrêmophile. Les conditions y sont peut-être marginales pour une vie similaire à la nôtre, mais pas impossibles : la température globale est bonne, l’eau et les éléments chimiques de base sont présents. K2-18b élargit ainsi notre conception des environnements habitables potentiels en montrant que même des planètes de type mini-Neptune pourraient abriter des océans habitables (K2-18b - Wikipedia). Des recherches plus approfondies (notamment de la part de JWST et de futurs télescopes) chercheront à confirmer la présence d’un océan, à mesurer la composition précise de l’atmosphère et à détecter d’éventuels signes indirects de vie. En attendant, sur l’échelle de l’habitabilité, K2-18b est considérée comme un candidat sérieux mais incertain – prometteur par ses caractéristiques générales, mais très différent de la Terre sur de nombreux plans, rendant toute vie hypothétique nécessairement adaptée à des conditions extrêmes.

Tableau comparatif : K2-18b vs Terre

Paramètre Terre (Référence) K2-18b (Exoplanète)
Type de planète Tellurique (rocheuse) avec océans et atmosphère modérée Sub-Neptune (mini-Neptune) à épaisse atmosphère hydrogène
Masse 1 M⊕ (5,97×10^24 kg) ~8,6 M⊕ (K2-18b - Wikipedia) (≈5,2×10^25 kg)
Rayon 1 R⊕ (6 371 km) ~2,6 R⊕ (K2-18b - Wikipedia) (~16 000 km)
Gravité de surface 1 g (9,8 m/s²) ~1,3 g (≈12,4 m/s²) (K2-18b - Wikipedia)
Densité moyenne ~5,5 g/cm³ ~2,7 g/cm³ (K2-18b - Wikipedia)
Composition atmosphérique N₂ (~78%), O₂ (~21%), Ar, H₂O (vapeur ~1%), CO₂ (~0,04%), etc. (traces) H₂ (majoritaire) (K2-18b - Wikipedia); ~1% CH₄, ~1% CO₂ (K2-18b - Wikipedia); H₂O présente (quantité incertaine) (K2-18b - Wikipedia); NH₃ quasi nulle (K2-18b - Wikipedia).
Pression atmosphérique ~1 bar au niveau de la mer Très élevée (>>1 bar), possiblement > 100 bars (estimée)
Température moyenne ~288 K (15 °C) en surface (climat tempéré globalement) ~265 K (−8 °C) équilibre global (K2-18b - Wikipedia); avec effet de serre, probablement dans une plage 250–300 K (K2-18b - Wikipedia) (selon nuages/atmosphère)
Eau liquide en surface Oui – océans couvrant ~70% de la surface Incertain – océan global possible sous l’atmosphère (monde océanique), ou eau supercritique. Potentiel d’eau liquide présent mais non confirmé (K2-18b - Wikipedia) (Webb Discovers Methane, Carbon Dioxide in Atmosphere of K2-18 b - NASA).
Position par rapport à l’étoile 1,00 UA (149,6 millions km) – Zone habitable du Soleil (orbite quasi circulaire, 365 j) ~0,16 UA (~21 millions km) – Zone habitable de K2-18 (orbite 33 jours) (K2-18b - Wikipedia) (K2-18b - Wikipedia)
Flux stellaire reçu ~1 × flux solaire moyen (1361 W/m² au dessus de l’atmosphère) ~1 × flux terrestre (≈1368 W/m²) (K2-18b - Wikipedia) (K2-18b reçoit une insolation comparable à la Terre)
Étoile hôte Soleil (G2V, ~5 780 K) – étoile naine jaune, relativement stable et peu active (UV modéré) K2-18 (M3V, ~3 457 K) – naine rouge plus petite/froide (K2-18b - Wikipedia), activité modérée mais UV et rayons X plus intenses pour la planète (K2-18b - Wikipedia) (éruptions stellaires possibles)
Durée de l’année 365,25 jours ~33 jours (K2-18b - Wikipedia) (K2-18b - Wikipedia) (orbite probablement en rotation synchrone)
Potentiel d’habitabilité Excellent – planète abritant la vie (biosphère diversifiée) Inconnu – conditions possiblement favorables (eau, T°C OK), mais environnement extrême (haute pression, H₂). Vie hypothétique de type extrêmophile (éventuellement océanique ou atmosphérique) (K2-18b - Wikipedia) (Webb Discovers Methane, Carbon Dioxide in Atmosphere of K2-18 b - NASA).

Sources : Données issues de publications scientifiques et observations (Hubble, JWST) sur K2-18b (K2-18b - Wikipedia) (K2-18b - Wikipedia) (K2-18b - Wikipedia), comparées aux valeurs de référence pour la Terre. Les incertitudes demeurent quant aux conditions exactes sur K2-18b, et des recherches supplémentaires sont en cours pour affiner ces paramètres.

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